En 1956, le géant de l’automobile américain General Motors a produit un court-métrage pour la télé titré “Key to the future” ou “La clé du futur”. Dans ce court film, ils imaginent une vision du futur, en 1976 ou une famille modèle américaine entame un séjour d’un millier de kilomètres en utilisant une voiture qui se conduit toute seule. Même si GM à surestimé les progrès à faire de près de 50 ans, on ne peut qu’être bluffé par ce genre de vision presque prophétique surtout si l’on connaît ce dont les voitures autonomes sont capables depuis quelques années.
Les RoboTaxis sont un classique de la science-fiction. Les Boomers d’entre nous se souviennent du mythique Johnny Cab dans Total Recall où Arnold Schwarzenegger se fait conduire par un robot légèrement psychopathe. Mais la réalité pourrait rapidement rejoindre la fiction puisque Tesla travaille sur un concept similaire.
Aujourd’hui, on va vous parler du projet Robotaxi de Tesla, un taxi autonome qui promet de révolutionner le secteur de la mobilité en offrant à ses utilisateurs une expérience de mobilité sans chauffeur, à portée d’application.
Alors, les Robotaxis: c’est pour bientôt? Ou est-ce encore un coup d’optimisme excessif de la part d’Elon? Quels sont les risques, les défis, les obstacles qui retardent de plus en plus notre futur autonome? Quel est l’état de la concurrence? Sont-ils à la hauteur du défi des voitures autonomes?
Pour répondre à toutes ces questions je vous invite avec moi à plonger dans le fabuleux monde des véhicules autonomes.
Vous êtes prêts?
C’est parti!
1 – La technologie et le modèle économique
En 2019, Elon Musk a annoncé dans une conférence qu’il est confiant que fin 2020, une flotte d’un million de voitures autonomes nommés Robotaxi pourrait être déployée par Tesla. Deux ans plus tard, sa prédiction se trouve un point optimiste car toujours pas de voitures autonomes à l’horizon. En tout cas, pas en libre circulation et loin, très loin, du nombre suggéré par Musk en 2019.
Comment les Robotaxis rapporteront de l’argent?
L’idée pour le Robotaxi est assez simple. Elon Musk l’assimile à un mélange d’Uber et de AirBnB. Le propriétaire d’une Tesla qui n’a pas besoin de sa voiture pourra l’ajouter à un réseau de voitures disponibles à l’usage public, les rendant essentiellement comme des Uber pour un temps imparti.
Le client ayant besoin d’une voiture pourra à travers l’application Tesla commander une voiture qui viendrait automatiquement vers lui, un peu à la manière de la Batmobile.
Elon Musk promet que à travers cette méthode, le propriétaire d’une Tesla pourra faire meilleur usage de son véhicule, puisque la voiture sera en utilisation pour plus longtemps.
En fait, le temps que la voiture passait auparavant dans le garage à ne rien faire sera maintenant utilisé pour satisfaire les besoins en mobilité d’autres usagers tout en rapportant de l’argent au propriétaire du véhicule.
L’avantage pour la personne qui loue est aussi evident: un coût au kilomètre près de dix fois inférieur à l’offre actuelle et plus jamais de discussions gênantes avec le conducteur Uber en sortie de boite.
Elon Musk a promis en 2020 que ce pas en avant pourrait être effectué à travers une mise-à-jour du logiciel des véhicules en circulation. Elon Musk promet que les voitures prenant part à cet exercice pourraient rapporter jusqu’à 250000 Dollars en trois ans, un bon retour sur investissement pour les chanceux qui peuvent s’offrir une Tesla avec leur logiciel de Conduite Autonome.
Tesla est aussi en train de concevoir un nouveau modèle, dédié à ce service de Robotaxi. Le modèle imaginé par Tesla est un Model 3 modifié. Le changement le plus significatif est la durée pour laquelle la voiture pourra être en opération. Le nouveau modèle aura un bloc de batteries pouvant durer 1,600,000 km. Largement plus que la durée de vie de 500 à 800 mille kilomètres actuellement offerte par le Model 3.
Quelle technologie se cache derrière les Robotaxis?
Mais pour pouvoir activer cette option, encore faut-il que le véhicule puisse se conduire tout seul. Tesla propose déjà une option à 10 000 dollars appelée Full Self-Driving Capability (capacité de conduite autonome complète). Elle comprend des avantages futuristes comme la possibilité de convoquer la voiture via une application dans un parking, et elle peut détecter et réagir aux feux de circulation et aux panneaux d’arrêt. La FSD, comme l’appellent les amateurs de Tesla, comprend l’Autopilote, une fonction qui conduit « automatiquement » sur les autoroutes, en changeant de voie, en maintenant la voiture dans sa voie et à une distance constante des autres véhicules.
“Automatiquement” est ici entre guillemets, car même les personnes qui achètent le système FSD ne possèdent pas encore de voiture autonome, à proprement parler, et les véhicules équipés du système Autopilote ne peuvent pas se piloter automatiquement.
De longs blocs de texte dans les manuels des propriétaires de Tesla décrivent quand, où et comment les fonctions doivent être utilisées : par un conducteur pleinement attentif qui tient le volant et qui est « attentif aux conditions de la route et au trafic environnant ». Selon le manuel, le conducteur ne doit pas se trouver à proximité de rues en zone urbaine, de zones de construction, de cyclistes ou de piétons.
Comme Tesla l’indique sur son site Web: « Les fonctions actuellement activées nécessitent une supervision active du conducteur et ne rendent pas le véhicule autonome. »
Jusqu’à présent, la FSD n’a été diffusée qu’à environ 1 000 participants au programme de test bêta de la société.
« Soyez toujours prudent, mais ça mature »
a tweeté Musk le mois dernier aux testeurs bêta de la FSD.
Le grand avantage de Tesla dans la course à l’autonomie est l’intégration verticale des différents processus intervenant dans la fabrication d’une voiture autonome. Tout ou presque est fait maison, dans les Gigafactories qui poussent un peu partout comme des champignons: production des batteries et véhicules, composants électroniques, collection des données et surtout le développement des logiciels nécessaires au bon fonctionnement du véhicule et le développement de l’IA, le cerveau de l’opération.
Et en parlant d’Intelligence Artificielle, c’est bel et bien là que tout se passe. Les voitures Tesla dotées de cameras, récoltent des données à chaque KM parcourus, et les renvois à DOJO, son super ordinateur. C’est ce qu’on appèle le Deep Learning.
Le but ici est de récolter un maximum de données afin que l’ordinateur apprenne “litteralement” à conduire.
On l’aura compris, tout se joue sur la quantité astronomique de données à récolter afin de répertorier toutes les situations qu’un conducteur pourra rencontrer. L’ordinateur devra à terme être capable de s’en sortir dans les situations les plus extremes, même celles qui peuvent arriver dans 0.00001% des cas, ou dans 0.00000001% des cas. Le degré de fiabilité du logiciel devra être validé par le legislateur. Pour qu’elles puissent se déplacer, les voitures autonomes devront être 100, 1000 fois ou bien 1,000,000 de fois plus fiables ques les humains? Telle est la question.
Et en ce qui concerne la récolte de données, on peut dire que Tesla mène la danse avec des données récoltées pour plus de 3 milliards de Km. Et ce nombre ne cesse d’augmenter de jour en jour car mêmes les voitures Tesla n’ayant pas activé le mode FSD sont susceptibles de récolter des données. C’est ce qu’on appele le Shadow Training.
Tout autant d’avantages qui, en principe, devraient donner à Tesla une bonne longueur d’avance sur la compétition. Et pourtant, les concurrents de Tesla n’ont pas du tout la même approche en ce qui concerne la conduite autonome.
2 – La Compétition
Le véhicule autonome est le Saint Graal de l’industrie automobile et de la tech, et ce, depuis des décennies. Tous les cadors du business et bon nombre de start-ups veulent leur part du gâteau et investissent à coup de millions de dollars pour faire en sorte que leur voiture soit le premier véhicule autonome pour le public.
La concurrence est féroce et sur le papier, Tesla n’est pas le favori dans cette course.
Deux entreprises, déjà, ont lancé des services louant des véhicules sans conducteur: Waymo et Nuro.
Waymo est considéré comme le leader technologique du secteur de la conduite autonome depuis ses débuts en tant que programme de voiture autonome de Google, il y a plus de dix ans. Waymo se doit de maintenir et étendre son avance actuelle, mais actuellement, son service de taxi est seulement opérationnel dans un coin de la zone métropolitaine de Phoenix, en Arizona et sa flotte ne compte encore que quelques centaines de véhicules. Loin des 80000 pronostiqués par Waymo.
Et vous voyez venir le problème: les voitures autonomes de Waymo utilisent un système de GéoFence. Traduisez: elles sont cantonnées à un secteur précis et délimité. Bien qu’elles soient parfaitement rodées et habituées à se déplacer dans leur zone préprogrammées, elles sont incapables de “conduire toutes seules” sur n’importe quelle route, comme le feraient des humains.
En gros, elles sont pour moi comparables aux vélos pour les enfants, vous savez, ceux avec les petites roues sur les côté. Est ce qu’on peut dire que vous savez vraiment faire du vélo si vous ne pouvez pas retirer les petites roues?
Une autre entreprise, appelée Nuro, exploite quant à elle un service de livraison commercial sans chauffeur sur les routes publiques. La voiture de Nuro est difficilement comparable à une voiture. Elle s’apparente plutôt à un gros robot livreur, circulant à 40 km/h en ville, dans des zones bien déterminées. Mais la start-up semble montrer une alternative, préférant des applications à petite échelle et à petite vitesse, qui peuvent ouvrir la voie à une percée dans le monde de la mobilité autonome.
A cela, s’ajoutent plusieurs autres entreprises, nouant des partenariats avec des géants de la tech et de l’automobile et ayant pour objectif de développer leurs propres Robotaxis ,tels que
Zoox, la startup récemment acquise par Amazon ou Motional, propriété de Hyundai.
On pourrait s’attendre à ce que ces entreprises capitalisent sur leurs premiers succès en se développant rapidement, mais aucune ne semble le faire.
C’est un peu normal vu la méthode que ces dernières ont choisi pour résoudre la conduite autonome. A moins de géofencer la terre entière, il leur sera difficle de sortir de leur zone de confort pré-mappée!
Une grande inconnue quant au développement des véhicules autonomes est aussi la Chine. Plusieurs entreprises chinoises misent sur les véhicules autonomes et font aussi bien que leurs concurrents occidentaux, comme par exemple AutoX, une start up du groupe AliBaba, qui compte à present plus de 100 véhicules autonomes déployés sur 5 villes en Chine
3 – Les Risques et défis pour Tesla
Alors, à quoi est dû le prétendu retard accumulé par Tesla sur la compétition? L’approche est en cause.
L’approche préférée par Tesla pour le développement de ses véhicules autonomes présente des avantages importants, mais aussi quelques inconvénients.
Le modèle économique de l’entreprise consiste à vendre des voitures aux utilisateurs finaux. Cela rend les capteurs Lidar (une sorte de radar qui utilise un laser au lieu d’ondes radio) et les cartes à haute densité hors de portée, puisqu’ils feraient augmenter de manière significative le prix des véhicules.
Tesla préfère l’utilisation de caméras et Elon Musk présente cela comme un point positif, en qualifiant le Lidar de « béquille ».
L’exemple parfait qui pourrait illustrer ceci est celui de … l’être humain ! Quand on y réfléchit bien, Nous ne sommes après tout qu’une machine biologique, disposant de 2 système optiques appelés « yeux » faisant office de caméra. Nul besoin de radar, de sonar ou de détecteur quelconque pour nous aider à nous déplacer dans un environnement complexe. Les données récoltées par les yeux sont envoyées au cerveau et traitées en temps réél afin de coordonner nos mouvements. Idem pour les véhicules Tesla, toutes les données récoltées par les 8 caméras alimentent un logiciel qui prendra lui aussi des décisions en temps réél.
En fait, Elon Musk va tout simplement « donner la vue » à ses voitures, ce qui n’est jamais vraiment encore arrivé pour une machine à ce jour.
À l’opposé, presque toutes les autres entreprises qui travaillent sur des véhicules autonomes utilisent le Lidar et les cartes HD parce qu’elles pensent qu’elles sont mieux adaptées à la conduite autonome.
Comme on l’a vu précedemment, elles sont mieux adaptées à certaine situations, ou certains lieux. Par exemple, une flotte Waymo qui ferait la navette entre un aéroport et un centre ville, pourrait très bien être une utilisation cohérente de leur système de conduite autonome. Tant que les routes sont connues et que les voitures évoluent dans un secteur pré-mappés, tout va bien.
Enfin, le principal inconvenient de la méthode choisie par Elon Musk pour résoudre la conduite autonome, est le temps.
Si la récolte des données a pris un peu de temps à démarrer, elle devrait s’accelerer proportionellement au nombre de voitures Tesla qui se trouvent sur les routes.
Tellement habitué aux évolutions linéaires, le cerveau de l’homme non mathématicien n’appréhende pas une des particularités de la croissance exponentielle : sa vitesse.
Avec pas loin de 500 000 voitures vendues en 2020, et une croissance phénoménale de près de 35% par rapport à l’année d’avant, Tesla est en train d’accroitre sa flotte (et ses données récoltées) de manière exponentielle, de telle sorte qu’elle se rapproche de plus en plus du graal : la sacro-sainte conduite autonome!
4 – À quand les premiers Robotaxis?
« L’année prochaine à coup sûr, nous aurons plus d’un million de robotaxis sur la route »,
a déclaré Musk le 21 octobre 2019.
« La flotte se réveille avec une mise à jour over-the-air. C’est tout ce qu’il faut. »
Plus facile à dire qu’à faire, apparemment, car pas un seul robotaxi n’est disponible, encore moins un million. Elon Musk vous dira lui-même qu’il n’a peut-être pas la meilleure maîtrise des délais.
« Parfois, je ne suis pas à l’heure, mais j’y arrive »,
a-t-il une fois déclaré aux investisseurs. En témoigne le lancement du Model X avec deux ans de retard. Ou le fait qu’il ait annoncé que Tesla effectuerait un voyage mains libres à travers les États-Unis fin 2017.
D’un point de vue marketing, cependant, il faut le reconnaître : Elon Musk connaît son public et sait que son audience d’adeptes précoces et de fans de Tesla adorent ses annonces fracassantes. L’excuse de Elon Musk ici est que « l’approbation réglementaire est la grande inconnue ». Il ne fait aucun doute que les systèmes avancés d’aide à la conduite de Tesla sont bons. Mais cela n’a pas grande importance si les lois ne sont pas prêtes.
L’argument en faveur de Tesla est qu’elle a accès à une vaste quantité de données de conduite réelles recueillies dans les véhicules de ses clients. Si l’on présume que le manque de données d’entraînement constitue un obstacle majeur pour l’amélioration des algorithmes de conduite autonome, alors cela pourrait être un avantage significatif.
Mais les obstacles sont massifs pour Tesla. Les mêmes avantages qui ont poussé des milliers de personnes à s’offrir une Tesla, rendent très difficile une utilisation à grande échelle, comme c’est le cas pour Robotaxi. Tesla se doit, selon des professionnels du secteur, de développer une alternative dédiée, plus fiable et plus facile à entretenir et à réparer.
Comme on l’a aussi vu, Tesla n’a pas choisi le Lidar comme la competition. Leur approche tranche avec celle des leaders du secteur. Le pari de Elon Musk pourrait cependant payer, et Tesla n’est pas la seule entreprise à rechigner l’utilisation du Lidar dans ses véhicules autonomes.
Une startup nommée Comma.ai a fait le même pari que Tesla, offrant à ses utilisateurs l’option de modifier leurs propres véhicules et d’utiliser un logiciel basé sur une application mobile pour les rendre autonomes. Comma se prétend être une alternative open-source à Tesla. Un peu comme Android l’est pour Apple.
Mais il ne faut pas se voiler la face, à moins d’un progrès énorme réalisé très prochainement, on voit mal Comma rattraper Tesla dans la course au Robotaxis.
Donc pour répondre à la question, “A quand les premiers robotaxis?”, une réponse optimiste serait d’ici 5 à 10 ans. Maintenant, tout dépendra de la legislation, qui on le sait, a souvent une longueur de retard face aux progrès technologiques (comme par exemple Hadopi!)
Conclusion
Tesla s’impose de plus en plus comme un géant de la tech et de l’automobile, suscitant des attentes toujours plus grandes de la part des professionnels, des fans, et surtout des investisseurs.
L’entreprise se doit de relever plusieurs défis pour parvenir à mettre sur le marché leur premier véhicules totalement autonomes, mais s’il y une chose qu’une entreprise de Elon Musk sait faire, c’est relever des défis, et ce, peu importe les mauvaises langues.
Nul doute que d’un point de vue financier, les Robotaxis seront pour Tesla une formidable source de revenus. À terme, Tesla pourrait même licencier son logiciel de conduite autonome à d’autres marques automobiles.
Que ce soit dans 5, 10 ou 20 ans, les Robotaxis vont définitivement transformer la manière dont nous nous déplaçons, et ce pour le meilleur. À un tel point que posseder un véhicule deviendra totalement inutile. Il y aura alors beaucoup moins de voitures sur les routes, et ce sera aussi l’occasion de redonner une fonction aux milliers de km² de parking qui seront de moins en moins utilisés.
Les Robotaxis seront aussi supposés être tellement plus efficaces et sécurisés, que d’ici à quelques années on se demandera même comment il était possible de laisser des êtres humains conduire.
Et vous, vous en pensez quoi ? À quand les véhicules autonomes? Pensez-vous que Tesla sera les premiers à nous offrir une flotte de RoboTaxis à grande echelle et disponible au grand public?
Dites-le nous dans les commentaires.
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